Les sites Internet de l'Etat sont-ils rapides ? Analyse et résultats

L’absence de toute notion de performance web dans la Charte Internet de l’Etat se traduit-elle par des problèmes majeurs ? C’est ce que nous vous proposons de découvrir à travers l’audit des 24 sites que nous avons pu identifier via la plate-forme data.gouv.fr.

Les institutions publiques françaises qui disposent d’un site web sont tenues depuis début 2012 de respecter la charte Internet de l’État. Cette charte a pour vocation de “garantir aux internautes un service ou une information de qualité, accessible à tous”, et ce à l’aide d’un référentiel de règles et de recommandations. 

Navigation, confort d’utilisation ou encore accessibilité font partie des grands thèmes abordés. Mais un grand absent se fait sentir : le temps de chargement de ces sites web. Nous évoquons régulièrement ici l’importance de la performance web pour des sites à vocation commerciale et la nécessité d'en maîtriser la vitesse. Les sites publics ne devraient pas y déroger, notamment puisque :
  • certains publics sont encore mal desservis, et risquent donc de rencontrer des difficultés importantes pour l’utilisation de ces services publics en ligne,
  • à l’heure où la Cop21 approche, n’oublions pas que le web a un impact sur l’environnement non négligeable. De nombreuses bonnes pratiques de la performance web tendent à réduire la consommation, de ressources, et donc l’empreinte écologique associée à la visite d’une page,
  • optimiser la performance web, c’est également réduire les coûts d’infrastructure,
  • certains de ces services font face à des pics d’affluence majeurs, là encore, le respect de certaines règles va favoriser la tenue de la charge,
  • le web mobile se développe, et l’utilisation de bande passante peut représenter un coût non négligeable pour l’internaute, notamment depuis l’étranger.
Nous vous proposons dans cet article de faire un point sur cette charte Internet de l’État, et d’étudier les sites publics qui s’y soumettent afin d’identifier les bons et les mauvais élèves en termes de rapidité de chargement.  

Vitesse : plus aucune mention dans la Charte Internet de l’État

Premier constat : de fortes disparités existent en termes de vitesse comme l’illustre cette comparaison entre le site du Ministère de l’Intérieur et celui du Défenseur des Droits.
En effet, comme évoqué en introduction, la Charte Internet de l’Etat n’intègre aucune règle ni aucune recommandation en termes d’optimisation de la vitesse des sites web. Pourtant, le précédent document de référence, la Charte ergonomique des sites Internet publics, toujours applicable aux collectivités territoriales, prenait en compte ce sujet, même si de manière légère.

Les objectifs évoqués, le sont à titre de conseils “utiles”, et ne disposent pas du statut de “recommandation”.
Il est par exemple mentionné de viser un temps de chargement inférieur à 3 secondes, avec un poids de la page compris entre 100 et 250ko. En complément, il est demandé de porter une attention particulière aux images : adopter le bon format (jpeg, png), veiller à une compression efficace de l’image sans nuire à sa qualité, ou encore délivrer les images aux bonnes dimensions.

Charte Ergonomique, de premières pistes insuffisantes

On remarquera que les éléments mentionnés dans la Charte Ergonomique, qui date de 2008, restent très succincts, et sont loin de garantir une expérience utilisateur optimale.
Le temps de chargement est une notion complexe, et il existe de nombreux indicateurs à prendre en compte lorsque l’on s’y intéresse. Pour se rapprocher de ce que ressent l’utilisateur, on peut par exemple mesurer la rapidité d’affichage de la page plutôt que le temps de chargement en lui même, qui reste indicateur technique.
D’autre part, le seuil de 3 secondes qui est indiqué n’est accompagné d’aucun contexte ! Or, le chargement d’une page web est très dépendant de la connexion utilisée : ces 3 secondes sont-elles à atteindre sur une connexion ADSL ? une connexion 3G ? Quel objectif pour les français expatriés ou situés dans les DOM-TOM, et donc sujets à une latence plus élevée ?

Dans le texte, il est demandé de préserver un poids entre 100 et 250ko. Cet objectif est intéressant, mais sans doute trop drastique en 2015. En effet, en septembre, le poids moyen des pages d’accueil des 1 000 sites les plus visités dans le monde est proche de 2Mo. Difficile donc de respecter cet objectif sans se priver de certains contenus riches, pourtant nécessaires dans certains cas. On remarquera d’ailleurs dans les données présentées par la suite que seul le site des Impôts s’y soumet, parmi les 24 analysés.

Résultats et analyse de la performance des sites web de l’Etat

L’absence de toute notion de performance web au sein de la Charte Internet de l’Etat se traduit-elle par des problèmes majeurs ? C’est ce que nous vous proposons de découvrir à travers l’audit des 24 sites  que nous avons pu identifier par le biais de la plate-forme data.gouv.fr

Grâce à l’outil dareboost.com, disponible gratuitement en ligne, nous avons testé ces sites web (en simulant un internaute parisien sur une connexion ADSL moyenne) et vous proposons de découvrir les résultats commentés.

Premier constat : les temps de chargement et d’affichage sont plutôt corrects et globalement meilleurs que ceux qu’on observe au niveau du e-commerce français.
On remarquera cependant que plus de 30% de ces sites ne respectent pas les 3 secondes maximum de temps de chargement spécifiés dans la Charte Ergonomique, et ce même dans les conditions plutôt favorables dans lesquelles le test a été réalisé (ADSL).  

Seul defenseurdesdroits.fr dépasse les 6 secondes, ce qui se comprend aisément lorsque l'on voit que la page avoisine les 5Mo !
Le temps de chargement est par ailleurs grandement impacté par le temps de réponse serveur pour banque-france.fr,  afpa.fr et cnfpt.fr (des temps de réponse supérieurs à 1 seconde, alors que Google préconise 200ms). Conséquence, strictement aucun affichage n’intervient durant les 3 premières secondes pour le dernier cité !

Même si les résultats sont globalement meilleurs que sur les sites à vocation commerciale, il semblerait que ce soit davantage lié à la légèreté de ces sites, à la faible utilisation de contenus multimédias, et évidemment à l’absence de publicité plutôt qu’à une réelle optimisation de la performance web.
On remarquera qu’il reste généralement des actions simples à mettre en œuvre pour accélérer le chargement de ces pages web.

Ainsi Pôle Emploi pourrait activer la compression Gzip, aujourd’hui devenue incontournable, et ainsi réduire de 20% le volume de données qui doivent transiter pour l’affichage de sa page ! Autre exemple, sur une recommandation figurant dans la Charte de l’Ergonomie, gendarmerie.interieur.gouv peut diminuer de 65% le poids de l’une de ses images PNG, juste en convertissant son format en JPEG. Puis, avec une compression - très acceptable - de 30%, l’image ne pèserait plus que 14 Ko, soit une amélioration de 92% par rapport aux 206ko de l’image initiale.

Outre la rapidité des sites, on peut constater que certaines règles d’accessibilité définies par le référentiel technique RGAA ne sont par ailleurs pas toujours respectées. L’APEC et l’URSAFF par exemple ne renseignent pas correctement la signification de certains champs de formulaire, ce qui peut rendre l’utilisation difficile pour des équipements spécifiques. Rappelons à cette occasion qu’un projet est en cours pour encourager l’accessibilité aux personnes handicapées des sites internet des administrations. 

Je vous propose maintenant de découvrir les résultats détaillés :Vous pouvez retrouver le détail de ces données au format CSV sur le portail data.gouv.fr
Dans le prolongement de cet article, nous avons ouvert le débat sur l’intérêt de prendre en compte les contraintes de performance dans les recommandations et bonnes pratiques à appliquer aux sites Internet de l’Etat et des collectivité territoriales. Retrouvez cette proposition au sein de la consultation “Projet de loi pour une République numérique”.

Méthodologie : Les résultats présentés proviennent du service en ligne dareboost.com. 5 tests ont été lancés pour chaque page le 22 septembre 2015, les valeurs retenues sont les moyennes obtenues.