Webperf : les promesses du format AMP sont-elles toutes tenues ?

Webperf : les promesses du format AMP sont-elles toutes tenues ? AMP est censé apporter d'énormes gains de rapidité et de "webperf " aux pages web. Avec Fasterize, le JDN a voulu les mesurer et les analyser pour vérifier la pertinence du format.

Le format AMP pour Accelerated Mobile Pages promet des pages beaucoup plus rapides sur mobile. Le site officiel qui a présenté le projet début octobre 2015 promettait des gains de Speed Index allant de 15 à 85% entre une page normale et une page AMP. Le JDN a voulu savoir si de telles performances étaient réellement observables aujourd'hui, et, plus généralement, si le format AMP tenait toutes ses promesses.

Pour cela, Fasterize, entreprise spécialisée dans la webperf et éditeur d'une solution SaaS dédiée, a pu mesurer, comparer et analyser les performances des pages web et leur déclinaison AMP. Déjà partenaire du JDN dans le cadre de classements webperf mensuels, Fasterize a réalisé les mêmes mesures, pour les pages web classiques et leur équivalent AMP. L'expert s'est ainsi penché sur le poids des pages web, leur temps de chargement, et sur le nombre de requêtes par page. Sans oublier, le plus important : le Speed Index, qui mesure la bonne dynamique de chargement (lire sa définition détaillée), et sur lequel des promesses ont donc été faites.

La webperf des pages mesurée et comparée

Le JDN a fourni 8 pages à mesurer. Elles sont issues de trois sites différents, qui font partie des quelques médias qui ont déjà adopté le format : 20 minutes, Le Parisien, et Libération. Certaines des pages mesurées contiennent des vidéos ou des tweets intégrés. Toutes les pages AMP retenues sont bien monétisées, et affichent des contenus poussés par AdSense, DoubleClick, Ligatus et/ou Outbrain etc. Pour détailler complètement la méthodologie, c'est la version AMP du site qui a été mesurée, mais pas celle cachée et servie par Google.

Résultat : toutes les pages AMP se sont (heureusement !) révélées plus performantes que les pages web classiques.

Site / Pages Amélioration du Speed Index Réduction du temps de chargement Réduction du nombre de requête Réduction du poids de la page
20 minutes / Page 1  32% 75% 91% 78%
20 minutes / Page 2 72% 76% 95% 88%
20 minutes / Page 3 30% -116% 90% 73%
Le Parisien / Page 1 67% 82% 92% 94%
Le Parisien / Page 2 70% 75% 97% 87%
Le Parisien / Page 3 65% 79% 98% 93%
Liberation / Page 1 36% 94% 94% 71%
Liberation / Page 2 13% 75% 93% 65%

En détail, d'après les quelques mesures réalisées, le poids d'une page AMP représente donc entre 7 à 35% de celui d'une page "normale". Elle génère moins de 10% des requêtes comptées sur la page "normale". Son temps de chargement peut baisser de 94%, et il diminue d'au moins 75%, du moins d'après les quelques pages mesurées (et en oubliant volontairement le problème rencontré par la page 3 de 20 Minutes, qui n'est pas représentatif de l'impact habituel du format AMP sur la webperf ).

La principale promesse est tenue. Du moins pour l'instant... 

Enfin, les gains mesurés en matière de Speed Index vont jusqu'à 72%, et sont de 13% au minimum, du moins sur les pages analysées. Des chiffres qui sont donc conformes à la promesse initiale du format (entre 15 et 85% de gains)

Difficile de faire mieux ?

"Je ne suis pas surpris par ces résultats", commente Stéphane Rios, fondateur de Fasterize, en voyant le poids "très faible" des pages, et le nombre "ridicule" de requêtes par rapport à une page classique. "Les pages AMP sont ultra-simples, réduites à l'essentiel, un peu comme les pages Wikipédia qui sont limitées à du texte et quelques images", poursuit le spécialiste. Les pages de Wikipédia brillent en effet par leur webperf. Mais, contrairement à celles de l'encyclopédie en ligne, les pages AMP mesurées comportent de la publicité, bien connue pour grever la performance web. Bref, "difficile de dire qu'il est encore possible de faire mieux que les pages AMP en matière de webperf, ou alors il faut faire du RSS", observe l'expert.

En haut, mis à l'horizontal, le waterfall d'une page AMP. En bas, celui d'une page normale, qui s'étire sur la largeur car elle compte beaucoup, vraiment beaucoup plus de requêtes (souvent plus de 10 fois plus). © Capture

Un framework qui évolue beaucoup

Reposant sur un modèle open source, le framework AMP est encore en construction. Il va encore évoluer, et pas sûr que ce soit forcément dans le bon sens pour la webperf. C'est en substance le risque que pointe du doigt Stéphane Rios. "Le projet open source est hyper actif. Sur sa page GitHub, il se passe énormément de choses, et beaucoup de technologies, au début absentes, comme des polices ou des solutions de web analytics, sont désormais acceptées. Ces ajouts, s'ils continuent, surtout à ce rythme, pourraient au final avoir un impact non négligeable sur la performance web des pages AMP. De plus, j'ai du mal à voir quelle est la gouvernance du projet. J'espère que des arbitrages seront bien faits, et qu'ils seront en faveur de la webperf", fait savoir le spécialiste. Pas sûr donc, que le format puisse tenir toujours toutes ses promesses initiales.

"E-commerçants, ne foncez pas vers AMP"

Les sites d'actualités passés au format AMP peuvent défiler dans un carrousel tout en  haut des résultats de Google sur mobile. Capture

Mais ce n'est pas forcément à cause de ce risque que le dirigeant de Fasterize ne recommande pas aux e-commerçants de s'empresser de migrer vers AMP. Les sites d'actualité sont les premiers, et pour l'heure les seuls, à pouvoir apparaître dans le carrousel de pages AMP. Les médias ayant adopté ce format peuvent donc être récompensés en obtenant dès aujourd'hui d'excellentes places dans les résultats remontés par Google sur mobile (voir ci-contre). Les autres sites, et notamment les e-commerçants, ne peuvent pas encore bénéficier de ce carrousel, et à fortiori obtenir les gains de visibilité SEO qu'il peut apporter.

De plus, d'après Stéphane Rios, qui a été le directeur technique de Rueducommerce pendant 10 ans, "AMP n'est pas la seule réponse possible au problème de la webperf sur mobile". C'est avant tout celle de Google, qui a aussi réagi face aux initiatives équivalentes d'Apple (News) et de Facebook (Instant Articles)...

Et ce n'est pas toujours la meilleure, ou la plus urgente, à en croire ce spécialiste : "Je conseillerai plutôt en premier lieu d'adopter une vraie stratégie mobile first, en pensant d'abord son site pour le mobile. Ce qui ne veut pas dire de rapidement passer son site en responsive, pour avoir au final un site responsive plus lent sur mobile que sur desktop, comme cela se voit trop souvent, mais bien de penser 'mobile first' c'est-à-dire d'abord pour le mobile, et pas pour le desktop". C'est en effet une approche adaptée à la réalité, car les courbes de trafic se sont déjà inversées pour de nombreux sites, qui reçoivent désormais plus de visites depuis mobile que depuis desktop. C'est par exemple le cas du moteur de recherche de Google…