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Santé

ADN : l'alphabet du vivant a deux nouvelles lettres

Pour la première fois, une équipe de chercheurs est parvenue à créer de l'ADN semi-synthétique.
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L'ADN a deux nouvelles lettres
L'ADN est une structure en double hélice composée de 4 lettres : A, T, C et G.
SUPERSTOCK/SUPERSTOCK/SIPA

HISTORIQUE. C'est une étape historique dans la manipulation du vivant que viennent de franchir Denis Malyshev et Floyd Romesberg, biologistes au Scripps Research Institute de La Jolla en Californie. Avec six de leurs collègues, ils ont créé une bactérie d’un nouveau genre, dont le code génétique n’est plus seulement constitué des "quatre lettres de l’alphabet du vivant" mais contenant en plus deux autres lettres. Leurs travaux viennent d'être publiés dans la revue Nature.

ADN. L'information génétique de tous les êtres vivants est écrite dans leur ADN, sous la forme d'un enchaînement de quatre molécules de base, ou "lettres", qui constituent ce que l'on appelle "l'alphabet du vivant" : l'adénine (A), la thymine (T), la guanine (G) et la cytosine (C). Dans la structure en double hélice de l'ADN découverte il y a 60 ans par les biologistes Watson et Crick, ces lettres sont organisées en deux paires de bases: A,T,C et G.

De l'ADN semi-synthétique

LETTRES. Les chercheurs américains ont d'abord développé une nouvelle paire de bases, à partir de deux molécules appelées d5SICSTP et dNaMTP. Ils ont ensuite synthétisé un fragment d'ADN contenant les trois paires de bases, et l'ont inséré dans des cellules d'une bactérie connue pour être présente dans notre flore intestinale : Escherichia coli. Cette paire de bases non naturelles se retrouvait dans 99,4 % des descendants de la bactérie.

A leur grande surprise, ils ont constaté que ces cellules d'E. coli pouvaient répliquer l'ADN semi-synthétique. Mais ils ont toutefois dû leur donner un sérieux coup de main en trouvant un "transporteur" - fourni par une espèce de micro-algue- pour importer artificiellement les nouveaux blocs de construction moléculaire dans les cellules.

ÉTHIQUE. "Seulement deux paires de bases d'ADN, A-T et C-G, codent toute la diversité de la vie sur Terre. Ce que nous avons créée, c'est un organisme qui contient de façon stable ces deux paires de bases, plus une troisième paire, qui n'existe pas naturellement", a expliqué Floyd Romesberg. Ils estiment ainsi que cette limite devrait rassurer les sceptiques qui craignent l'émergence incontrôlée de nouvelles formes de vie. En effet, le transporteur agit comme un interrupteur: sans lui, les nouvelles bases disparaissent du génome de la cellule.

 Le franchissement d'un cap symbolique historique  - Philippe Marlière, biologiste français

Le biologiste français Philippe Marlière, spécialiste de la manipulation de l'ADN, voient ces travaux comme le" franchissement d’un cap symbolique historique", a-t-il déclaré au Monde. "Une troisième paire de bases entièrement artificielle a pu être répliquée in vivo. Il ne s'agit que de quelques générations dans une bactérie, mais le Rubicon est franchi", a t-il ajouté.

COURAGEUX. "Les tentatives d'étendre l'alphabet génétique remettent en question courageusement l'idée de la nature universelle de l'ADN, et s'exposent potentiellement aux critiques sur la sagesse d'un tel bricolage", soulignent Ross Thyer et Jared Ellefson, de l'Université du Texas, dans un éditorial publié également par Nature. La biologie synthétique pourrait avoir de nombreuses applications intéressantes, selon les chercheurs, comme de nouveaux médicaments ou de nouvelles formes de nanotechnologies.

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